18/11/2013 :
Le paysage est traditionnellement considéré comme
la portion du monde qui s'offre au regard de celui qui l'observe
, ce qui laisse entendre que perdure donc un fossé entre la réalité de la nature et le mensonge du paysage, mensonge plus ou moins gros, entendons nous.
C'est en 2007 que j'ai visité la ville de
Solvang
en Californie
(image 1)
, cette ville bâtie par une communauté Danoise au début du 20ème siècle, lovée au milieu de hautes collines, est une reproduction fidèle d'un authentique village danois. On peut également y voir une reproduction de la
petite sirène de Copenhague
.
C'est quelques jours plus tard et quelques kilomètres plus loin que j'ai pu visiter le casino
Venetian
de Las-Vegas
(image 2)
, les galeries commerciales s'y transforment en rues pittoresques, où de charmants petits ponts enjambent des canaux à l'eau bleue et limpide sous un ciel peint, éternellement clément. L'illusion est complétée par les accents italiens caricaturaux et outranciers des gondoliers. Dans une périphérie de quelques kilomètres vous pouvez aussi expérimenter des reproductions de New-York, Paris, de Rome à L'antiquité ou danser sur la barge de Cléopâtre.
Je ne sais plus d'où vient cette image d'un restaurant
(image 3)
, mais on peut facilement en conclure que les moyens mis en oeuvre y sont pour beaucoup dans la réussite (ou non) de l'illusion d'être ailleurs que là où on est, ainsi qu'une certaine cohérence des références géographiques. Les chapeaux de paille tropicaux sur le porte manteaux annulent tous les efforts du mobilier en bois et de la photo-fresque alpine pour nous transporter dans une Savoie automnale.
On a découvert il y a peu de temps cet
abri anti-atomique
construit dans les années 70 et caché dans le sous-sol de Las-Vegas
(image 4)
. Ici, il s'agit sans doute de se consoler de la disparition d'un monde perdu, ou d'adoucir l'attente du retour de ce monde. Contrairement aux pharaons qui se faisaient enterrer avec leurs objets quotidiens afin que ceux-ci fassent perdurer ce quotidien dans l'éternité, il s'agit ici de faire cuire des saucisses dans un barbecue/rocher en contemplant une vallée profonde de rien et de se décider à mourir enfin, mais le dernier.
Un autre lieu/mensonge qui mériterait qu'on s'y arrête un instant est le faux immeuble du
145 rue Lafayette
à Paris. Cet immeuble dans le plus pur style Hausmanien abrite en fait une cheminée d'évacuation de l'air vicié provenant de la ventilation du RER B. C'est donc un immeuble habité uniquement par de l'air, ou plutôt perpétuellement traversé par lui. Si on se réfère à l'origine gazeuse des esprits dans la tradition occidentale, voilà donc un immeuble authentiquement hanté par les exhalations de centaines de milliers d'usagers quotidiens des transports en commun.